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une douce familiarité qui emplit de joie le cœur du jeune homme, voici ce que vous allez faire : chaque fois que vous croirez être libre, prévenez l’hôtesse par un billet ; tous les jours un homme à moi passera chez elle.

— Oh ! mon Dieu ! mais c’est trop de bontés, Madame.

La duchesse posa sa main sur le bras d’Ernauton.

— Attendez donc, dit-elle.

— Qu’y a-t-il, Madame ?

— Ce bruit, d’où vient-il ?

En effet, un bruit d’éperons, de voix, de portes heurtées, d’exclamations joyeuses, montait de la salle d’en bas, comme l’écho d’une invasion.

Ernauton passa sa tête par la porte qui donnait dans l’antichambre.

— Ce sont mes compagnons, dit-il, qui viennent ici fêter le congé que leur a donné M. de Loignac.

— Mais par quel hasard ici, justement en cette hôtellerie où nous sommes ?

— Parce que c’est justement au Fier Chevalier, Madame, que le rendez-vous d’arrivée a été donné ; parce que, de ce jour bienheureux de leur entrée dans la capitale, mes compagnons ont pris en affection le vin et les pâtés de maître Fournichon, et quelques-uns même les tourelles de madame.

— Oh ! fit la duchesse avec un malicieux sourire, vous parlez bien expertement, Monsieur, de ces tourelles.

— C’est la première fois, sur mon honneur, qu’il m’arrive d’y pénétrer, Madame. Mais vous, vous qui les avez choisies ? osa-t-il dire.

— J’ai choisi, et vous allez comprendre facilement cela : j’ai choisi le lieu le plus désert de Paris, un endroit près de la rivière, près du grand rempart, un endroit où personne ne peut me reconnaître, ni soupçonner que je puisse aller ; mais, mon Dieu ! qu’ils sont donc bruyants, vos compagnons, ajouta la duchesse.