fleura un instant les lèvres d’Ernauton ; mais ce fut alors qu’elle prouva la profonde vérité de ce qu’elle avait dit, car, à travers son masque, ses yeux lancèrent un éclair froid et blanc comme le sinistre avant-coureur des orages.
Ce regard imposa tellement à Carmainges, qu’il laissa tomber ses bras et que tout son feu s’éteignit.
— Allons, dit la duchesse, c’est bien, nous nous reverrons. Décidément, vous me plaisez, monsieur de Carmainges.
Ernauton s’inclina.
— Quand êtes-vous libre ? demanda-t-elle négligemment.
— Hélas ! assez rarement, Madame, répondit Ernauton.
— Ah ! oui, je comprends, ce service est fatigant, n’est-ce pas ?
— Quel service ?
— Mais celui que vous faites près du roi. Est-ce que vous n’êtes pas d’une garde quelconque de Sa Majesté ?
— C’est-à-dire, Madame, que je fais partie d’un corps de gentilshommes.
— C’est cela que je veux dire ; et ces gentilshommes sont Gascons, je crois ?
— Tous, oui, Madame.
— Combien sont-ils donc ? on me l’a dit, je l’ai oublié.
— Quarante-cinq.
— Quel singulier compte.
— Cela s’est trouvé ainsi.
— Est-ce un calcul ?
— Je ne crois pas ; le hasard se sera chargé de l’addition.
— Et ces quarante-cinq gentilshommes ne quittent pas le roi, dites-vous ?
— Je n’ai point dit que nous ne quittions point Sa Majesté, Madame.
— Ah ! pardon, je croyais vous l’avoir entendu dire. Au moins disiez-vous que vous aviez peu de liberté.
— C’est vrai, j’ai peu de liberté, Madame, parce que, le