Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/262

Cette page a été validée par deux contributeurs.

encore aux habitudes de Paris. Chez nous, en province, à deux cents lieues d’ici, cela est vrai, une femme, lorsqu’elle dit : « J’aime, » aime et ne se refuse pas. Elle ne prend point le prétexte de ses paroles pour humilier un homme à ses pieds. C’est votre usage comme Parisienne, c’est votre droit comme princesse. J’accepte tout cela. Seulement, que voulez-vous, l’habitude me manquait, l’habitude me viendra.

La dame écouta en silence. Il était visible qu’elle continuait d’observer attentivement Ernauton, pour savoir si son dépit aboutirait à une réelle colère.

— Ah ! ah ! vous vous fâchez, je crois, dit-elle superbement.

— Je me fâche, en effet, Madame, mais c’est contre moi-même, car j’ai pour vous, moi, Madame, non pas un caprice passager, mais de l’amour, un amour très-véritable et très-pur. Je ne cherche pas votre personne, car je vous désirerais, s’il en était ainsi : voilà tout ; mais je cherche à obtenir votre cœur. Aussi, ne me pardonnerais-je jamais, Madame, d’avoir aujourd’hui, par des impertinences, compromis le respect que je vous dois, respect que je ne changerai en amour, Madame, qu’alors que vous me l’ordonnerez. Trouvez bon seulement, Madame, qu’à partir de ce moment j’attende vos ordres.

— Allons, allons, dit la dame, n’exagérons rien, monsieur de Carmainges : voilà que vous êtes tout glacé après avoir été tout de flammes.

— Il me semble, cependant, Madame…

— Eh ! Monsieur, ne dites donc jamais à une femme que vous l’aimerez comme vous voudrez, c’est maladroit ; montrez-lui que vous l’aimerez comme elle voudra, à la bonne heure !

— C’est ce que j’ai dit, Madame.

— Oui, mais ce que vous ne pensez pas.

— Je m’incline devant votre supériorité, Madame.

— Trêve de politesses, il me répugnerait de faire ici la