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ter à mes fantaisies, mais je n’ai pas la sottise de commettre des erreurs. Si nous eussions été égaux, je vous eusse reçu chez moi et étudié à mon aise avant que vous eussiez même soupçonné mes intentions à votre égard. La chose était impossible ; il a fallu s’arranger autrement et brusquer l’entrevue. Maintenant vous savez à quoi vous en tenir sur moi. Devenez digne de moi, c’est tout ce que je vous recommande.

Ernauton se confondit en protestations.

— Oh ! moins de chaleur, monsieur de Carmainges, je vous prie, dit la dame avec nonchalance : ce n’est pas la peine. Peut-être est-ce votre nom seulement qui m’a frappée la première fois que nous nous rencontrâmes, et qui m’a plu. Après tout, je crois bien décidément que je n’ai pour vous qu’un caprice et que cela se passera. Cependant, n’allez pas vous croire trop loin de la perfection et désespérer. Je ne peux pas souffrir les gens parfaits. Oh ! j’adore les gens dévoués, par exemple. Retenez bien ceci, je vous le permets, beau cavalier.

Ernauton était hors de lui. Ce langage hautain, ces gestes pleins de volupté et de mollesse, cette orgueilleuse supériorité, cet abandon vis-à-vis de lui, enfin, d’une personne aussi illustre, le plongeaient à la fois dans les délices et dans les terreurs les plus extrêmes.

Il s’assit près de sa belle et fière maîtresse, qui le laissa faire, puis il essaya de passer son bras derrière les coussins qui la soutenaient.

— Monsieur, dit-elle, il paraît que vous m’avez entendue, mais que vous ne m’avez pas comprise. Pas de familiarité, je vous prie ; restons chacun à notre place. Il est sûr qu’un jour je vous donnerai le droit de me nommer vôtre, mais ce droit vous ne l’avez pas encore.

Ernauton se releva pâle et dépité.

— Excusez-moi, Madame, dit-il. Il paraît que je ne fais que des sottises ; cela est tout simple : je ne suis point fait