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— À votre voix, à votre grâce, à votre beauté.

— À ma voix, je le comprends, je ne puis la déguiser ; à ma grâce, je puis prendre le mot pour un compliment ; mais à ma beauté, je ne puis admettre la réponse que par hypothèse.

— Pourquoi cela, Madame ?

— Sans doute ; vous me reconnaissez à ma beauté, et ma beauté est voilée.

— Elle l’était moins, Madame, le jour où, pour vous faire entrer dans Paris, je vous tins si près de moi que votre poitrine effleurait mes épaules, et que votre haleine brûlait mon cou.

— Aussi, à la réception de ma lettre, vous avez deviné que c’était de moi qu’il s’agissait.

— Oh ! non, non, Madame ne le croyez pas. Je n’ai pas eu un seul instant une pareille pensée. J’ai cru que j’étais le jouet de quelque plaisanterie, la victime de quelque erreur ; j’ai pensé que j’étais menacé de quelqu’une de ces catastrophes qu’on appelle des bonnes fortunes, et ce n’est que depuis quelques minutes qu’en vous voyant, en vous touchant…

Et Ernauton fit le geste de prendre une main qui se retira devant la sienne.

— Assez, dit la dame ; le fait est que j’ai commis une insigne folie.

— Et en quoi, Madame, je vous prie ?

— En quoi ! Vous dites que vous me connaissez, et vous me demandez en quoi j’ai fait une folie ?

— Oh ! c’est vrai, Madame, et je suis bien petit, bien obscur auprès de Votre Altesse.

— Mais, pour Dieu ! faites-moi donc le plaisir de vous taire, Monsieur. N’auriez-vous point d’esprit, par hasard ?

— Qu’ai-je donc fait, Madame, au nom du ciel ? demanda Ernauton effrayé.

— Quoi ! vous me voyez un masque…