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— Pourquoi vous le cacherais-je ? je ne puis vivre sans elle, il faut bien que je meure, du moment où je ne la possède pas.

— Monsieur le comte, nous avons bien souvent parlé de la mort avec ma maîtresse ; croyez-moi, c’est une mauvaise mort que celle qu’on se donne de sa propre main.

— Aussi, n’est-ce point celle-là que je choisirai ; il y a, pour un jeune homme de mon nom, de mon âge et de ma fortune, une mort qui de tout temps a été une belle mort, c’est celle que l’on reçoit en défendant son roi et son pays.

— Si vous souffrez au delà de votre force, si vous ne devez rien à ceux qui vous serviront, si la mort du champ de bataille vous est offerte, mourez, monsieur le comte, mourez ; il y a longtemps que je serais mort, moi, si je n’étais condamné à vivre.

— Adieu et merci, répondit Joyeuse en tendant la main au serviteur inconnu.

Et il s’éloigna rapidement, jetant aux pieds du serviteur, touché de cette douleur profonde, une pesante bourse d’or.

Minuit sonnait à l’église Saint-Germain des Prés.