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on ne fasse tort qu’à lui. Chicot va donc mettre la dernière main à ce qu’il a commencé, c’est-à-dire qu’il va traduire d’un bout à l’autre cette belle épître en latin, et se l’incruster dans la mémoire où déjà elle est gravée au deux tiers ; puis il achètera un cheval, parce que réellement, de Juvisy à Pau, il faut mettre trop de fois le pied droit devant le pied gauche. Mais avant toutes choses, Chicot déchirera la lettre de son ami Henri de Valois en un nombre infini de petits morceaux, et il aura soin surtout que ces petits morceaux s’en aillent, réduits à l’état d’atomes, les uns dans l’Orge, les autres dans l’air, et que le reste enfin soit confié à la terre, notre mère commune, dans le sein de laquelle tout retourne, même les sottises des rois. Quand Chicot aura fini ce qu’il commence…

Et Chicot s’interrompit pour exécuter son projet de division. Le tiers de la lettre s’en alla donc par eau, l’autre tiers par l’air, et le troisième tiers disparut dans un trou creusé à cet effet avec un instrument qui n’était ni une dague ni un couteau, mais qui pouvait au besoin remplacer l’un et l’autre, et que Chicot portait à sa ceinture.

Lorsqu’il eut fini cette opération, il continua :

— Chicot se remettra en route avec les précautions les plus minutieuses, et il dînera en la bonne ville de Corbeil, comme un honnête estomac qu’il est. En attendant, occupons-nous, continua Chicot, du thème latin que nous avons décidé de faire ; je crois que nous allons composer un assez joli morceau.

Tout à coup Chicot s’arrêta ; il venait de s’apercevoir qu’il ne pourrait traduire en latin le mot Louvre ; cela le contrariait fort.

Il était également forcé de macaroniser le mot Margot en Margota, comme il avait déjà fait de Chicot en Chicotus, attendu que, pour bien dire, il eût fallu traduire Chicot par Chicôt, et Margot par Margôt, ce qui n’était plus latin, mais grec.