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arpentant comme lui la voie publique ; mais cet homme était trop bien vêtu pour être un voleur, et jamais l’idée ne lui fût venue de s’inquiéter de rien, sinon de ce qui se faisait au Fier Chevalier.

Mais l’autre, au contraire, à chaque retour du plumet rouge, fonçait en noir la teinte sombre de son visage ; enfin la dose de fluide irrité devint si lourde chez le plumet blanc, qu’elle finit par frapper le plumet rouge et par attirer son attention.

Il leva la tête et lut sur le visage de celui qui se trouvait en face de lui, toute la mauvaise volonté qu’il paraissait éprouver à son égard.

Cela l’induisit naturellement à penser qu’il gênait le jeune homme ; puis cette pensée amena le désir de s’informer en quoi il le gênait.

Il se mit en conséquence à regarder attentivement la maison de Robert Briquet.

Puis de cette maison il passa à celle qui faisait son pendant.

Enfin, lorsqu’il les eut bien regardées l’une et l’autre sans s’inquiéter ou sans paraître s’inquiéter au moins de la façon dont le jeune homme au plumet blanc le regardait, il lui tourna le dos et revint aux rutilants éclairs des fourneaux de maître Fournichon.

Le plumet blanc, heureux d’avoir mis son adversaire en déroute, car il attribuait à déroute le mouvement de volte-face qu’il venait de lui voir faire, le plumet blanc se mit à marcher dans son sens, c’est-à-dire de l’est à l’ouest, tandis que l’autre s’avançait de l’ouest à l’est.

Mais quand chacun d’eux fut arrivé au point qu’il s’était intérieurement marqué pour sa course, il se retourna et revint en droite ligne sur l’autre, et en si droite ligne que, n’eût été le ruisseau, Rubicon nouveau qu’il fallait franchir, ils se fussent heurtés nez à nez, tant la précision de la ligne droite avait été scrupuleusement respectée.