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désobéir que de mourir ; et cependant, ajouta le jeune homme en baissant son front pâle comme pour cacher son embarras, j’eusse désobéi.

Le roi se croisa les bras et regarda Joyeuse.

— Ah çà ! dit-il, mais tu es un peu fou, ce me semble, mon pauvre comte.

Le jeune homme sourit tristement.

— Oh ! je le suis tout à fait, sire, dit-il, et Votre Majesté a tort de ménager les termes à mon endroit.

— Alors, c’est sérieux, mon ami.

Joyeuse étouffa un soupir.

— Raconte-moi cela. Voyons ?

Le jeune homme poussa l’héroïsme jusqu’au sourire.

— Un grand roi comme vous êtes, sire, ne peut s’abaisser jusqu’à de pareilles confidences.

— Si fait, Henri, si fait, dit le roi ; parle, raconte, tu me distrairas.

— Sire, répondit le jeune homme avec fierté, Votre Majesté se trompe ; je dois le dire, il n’y a rien dans ma tristesse qui puisse distraire un noble cœur.

Le roi prit la main du jeune homme.

— Allons, allons, dit-il, ne te fâche pas, du Bouchage ; tu sais que ton roi, lui aussi, a connu les douleurs d’un amour malheureux.

— Je le sais, oui, sire, autrefois…

— Je compatis donc à tes souffrances.

— C’est trop de bonté de la part d’un roi.

— Non pas ; écoute, parce qu’il n’y avait rien au-dessus de moi, quand je souffris ce que tu souffres, que le pouvoir de Dieu, je n’ai pu m’aider de rien ; toi, au contraire, mon enfant, tu peux t’aider de moi.

— Sire !

— Et par conséquent, continua Henri avec une affectueuse tristesse, espérer de voir la fin de tes peines.

Le jeune homme secoua la tête en signe de doute.