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— Alors, comte, d’où vient donc qu’on ne vous voit plus au Louvre ?

— On ne me voit plus, sire ?

— Non, en vérité, et je m’en plaignais à votre frère le cardinal, qui est encore plus savant que je ne croyais.

— Si Votre Majesté ne me voit pas, dit Henri, c’est qu’elle n’a pas daigné jeter les yeux sur le coin de ce cabinet ; sire, j’y suis tous les jours à la même heure quand le roi paraît. J’assiste de même régulièrement au lever de Sa Majesté, et je la salue encore respectueusement quand elle sort du conseil. Jamais je n’y ai manqué, et jamais je n’y manquerai, tant que je pourrai me tenir debout, car c’est un devoir sacré pour moi.

— Et c’est cela qui te rend si triste ? dit amicalement Henri.

— Oh ! Votre Majesté ne le pense pas.

— Non, ton frère et toi, vous m’aimez.

— Sire !

— Et je vous aime aussi. À propos, tu sais que ce pauvre Anne m’a écrit de Dieppe.

— Je l’ignorais, sire.

— Oui, mais tu n’ignores pas qu’il était désolé de partir.

— Il m’a avoué ses regrets de quitter Paris.

— Oui, mais sais-tu ce qu’il m’a dit ? c’est qu’il existait un homme qui eût regretté Paris bien davantage, et que si cet ordre te fût arrivé à toi, tu serais mort.

— Peut-être, sire.

— Il m’a dit plus, car il dit beaucoup de choses, ton frère, quand il ne boude point toutefois ; il m’a dit que, le cas échéant, tu m’eusses désobéi ; est-ce vrai ?

— Sire, Votre Majesté a eu raison de mettre ma mort avant ma désobéissance.

— Mais enfin, si tu n’étais pas mort cependant de douleur à l’ordre de ce départ ?

— Sire, c’eût été une plus terrible souffrance pour moi de