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la même galanterie que s’il eût encore été duc d’Anjou. Il adressa mille flatteuses politesses aux dames qui n’étaient plus habituées à des retours de cette sorte, et alla même jusqu’à leur offrir des dragées.

— On était inquiet de votre santé, mon fils, dit Catherine regardant le roi avec une attention particulière, comme pour s’assurer que ce teint n’était pas du fard, que cette belle humeur n’était pas un masque.

— Et l’on avait tort, Madame, répondit le roi ; je ne me suis jamais mieux porté.

Et il accompagna ces paroles d’un sourire qui passa sur toutes les bouches.

— Et à quelle heureuse influence, mon fils, demanda Catherine avec une inquiétude mal déguisée, devez-vous cette amélioration dans votre santé ?

— À ce que j’ai beaucoup ri, Madame, répondit le roi.

Tout le monde se regarda avec un si profond étonnement, qu’il semblait que le roi venait de dire une énormité.

— Beaucoup ri ! Vous pouvez beaucoup rire, mon fils ? fit Catherine avec sa mine austère, alors vous êtes bien heureux.

— Voilà cependant comme je suis, Madame.

— Et à quel propos vous êtes-vous laissé aller à une pareille hilarité ?

— Il faut vous dire, ma mère, qu’hier soir j’étais allé au bois de Vincennes.

— Je l’ai su.

— Ah ! vous l’avez su ?

— Oui, mon fils : tout ce qui vous touche m’importe ; je ne vous apprends rien de nouveau.

— Non, sans doute ; j’étais donc allé au bois de Vincennes, lorsqu’au retour, mes éclaireurs me signalèrent une armée ennemie dont les mousquets brillaient sur la route.

— Une armée ennemie sur la route de Vincennes ?

— Oui, ma mère.