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— Votre Majesté demandait, je crois, de quelle façon et en quelle circonstance le dictateur Sylla échappa à la mort ?

— Justement. Pouvez-vous y répondre, cardinal ?

— Rien de plus facile, sire.

— Tant mieux.

— Sylla, qui fit tuer tant d’hommes, sire, ne risqua jamais perdre la vie que dans les combats : Votre Majesté faisait-elle allusion à un combat ?

— Oui ; et dans un des combats qu’il livra, je crois me rappeler qu’il vit la mort de très-près. Ouvrez un Plutarque, s’il vous plaît, cardinal ; il doit y en avoir un là, traduit par ce bon Amyot, et lisez-moi ce passage de la vie du Romain, où il échappa, grâce à la vitesse de son cheval blanc, aux javelines de ses ennemis.

— Sire, il n’est point besoin d’ouvrir Plutarque pour cela ; l’événement eut lieu dans le combat qu’il livra à Teleserius le Samnite, et à Lamponius le Lucanien.

— Vous devez savoir cela mieux que personne, mon cher cardinal, vous êtes si savant !

— Votre Majesté est vraiment trop bonne pour moi, répondit le cardinal en s’inclinant.

— Maintenant, dit le roi après une courte pause, maintenant, expliquez-moi comment le lion romain, qui était si cruel, ne fut jamais inquiété par ses ennemis ?

— Sire, dit le cardinal, je répondrai à Votre Majesté par un mot de ce même Plutarque.

— Répondez, Joyeuse, répondez.

— Carbon, l’ennemi de Sylla, disait souvent : « J’ai à combattre tout à la fois un lion et un renard qui habitent dans l’âme de Sylla ; mais c’est le renard qui me donne la plus grande peine. »

— Ah ! oui-da, répondit Henri rêveur, c’était le renard !

— Plutarque le dit, sire.

— Et il a raison, fit le roi, il a raison, cardinal. Mais à propos de combat, avez-vous reçu des nouvelles de votre frère ?