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Même réponse fut faite à un gentilhomme de la reine mère, qui, depuis deux ans retirée en son hôtel de Soissons, envoyait cependant chaque jour prendre des nouvelles de son fils.

MM. les secrétaires d’État se regardèrent avec Inquiétude. Le roi était ce matin-là distrait au point que leurs énormités en matières d’exactions n’arrachèrent pas même un sourire à Sa Majesté.

Or, la distraction d’un roi est surtout inquiétante pour des secrétaires d’État.

Mais, en échange, Henri jouait avec master Love, lui disant, chaque fois que l’animal serrait ses doigts effilés entre ses petites dents blanches :

— Ah ! ah ! rebelle ! tu me veux mordre aussi, toi ? ah ! ah ! petit chien, tu t’attaques aussi à ton roi ? mais tout le monde s’en mêle donc aujourd’hui !

Puis Henri, avec autant d’efforts apparents qu’Hercule, fils d’Alcmène, en fit pour dompter le lion de Némée, Henri domptait ce monstre gros comme le poing tout en lui disant avec une satisfaction indicible :

— Vaincu, master Love, vaincu, infâme ligueur de master Love, vaincu ! vaincu !! vaincu !!!

Ce fut tout ce que MM. d’O et Villequier, ces deux grands diplomates qui croyaient qu’aucun secret humain ne devait leur échapper, purent saisir au passage. À part ces apostrophes à master Love, Henri était demeuré parfaitement silencieux.

Il eut à signer, il signa ; il eut à écouter, il écouta en fermant les yeux avec tant de naturel, qu’il fut impossible de savoir s’il écoutait ou dormait.

Enfin trois heures de l’après-midi sonnèrent.

Le roi fit appeler M. d’Épernon.

On lui répondit que le duc passait la revue des chevau-légers.

Il demanda Loignac.