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Enfin, dans la nuit du quatrième au cinquième jour, l’ennemi, harassé, parut devoir donner quelque repos à l’armée protestante. Ce fut Henri qui l’attaqua à son tour ; on força un poste retranché qui coûta sept cents hommes ; presque tous les bons officiers y furent blessés ; M. de Turenne fut atteint d’une arquebusade à l’épaule, Mornay reçut un grès sur la tête et faillit être assommé.

Le roi seul ne fut point atteint ; à la peur qu’il avait éprouvée d’abord et qu’il avait si héroïquement vaincue, avait succédé une agitation fébrile, une audace presque insensée ; toutes les attaches de son armure étaient brisées, autant par ses propres efforts que par les coups des ennemis ; il frappait si rudement, que jamais un coup de lui ne blessait son homme ; il le tuait.

Quand ce dernier poste fut forcé, le roi entra dans l’enceinte, suivi de l’éternel Chicot, qui, silencieux et sombre, voyait depuis cinq jours et avec désespoir grandir à ses côtés le fantôme effrayant d’une monarchie destinée à étouffer la monarchie des Valois.

— Eh bien ! qu’en penses-tu, Chicot ? dit le roi en haussant la visière de son casque, et comme s’il eût pu lire dans l’âme du pauvre ambassadeur.

— Sire, murmura Chicot avec tristesse, sire, je pense que vous êtes un véritable roi.

— Et moi, sire, s’écria Mornay, je dis que vous êtes un imprudent : comment ! gantelets à bas et visière haute quand on tire sur vous de tous côtés, et, tenez, encore une balle !

En effet, en ce moment une balle coupait, en sifflant, une des plumes du cimier de Henri.

Au même instant, et comme pour donner pleine raison à Mornay, le roi fut enveloppé par une dizaine d’arquebusiers de la troupe particulière du gouverneur.

Ils avaient été embusqués là par M. de Vesin, et tiraient bas et juste.