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Et enfonçant ses deux éperons dans le ventre du cheval blanc qui le portait, il devança cavalerie, infanterie et artillerie, et arriva à cent pas de la place, rouge du feu des batteries qui tonnaient du haut du rempart, pareil à un fracas de tempête, et qui se reflétait sur son armure comme les rayons d’un soleil couchant.

Là, il tint son cheval immobile pendant dix minutes, la face tournée vers la porte de la ville, et criant :

— Les fascines, ventre saint-gris ! les fascines !

Mornay l’avait suivi, visière levée, épée au poing.

Chicot fit comme Mornay ; il s’était laissé cuirasser, mais il ne tira point l’épée.

Derrière ces trois hommes bondirent, exaltés par l’exemple, les jeunes gentilshommes huguenots criant et hurlant :

— Vive Navarre !

Le vicomte de Turenne marchait à leur tête, une fascine sur le cou de son cheval.

Chacun vint et jeta sa fascine ; en un instant le fossé creusé sous le pont-levis fut comblé.

Les artilleurs s’élancèrent ; en perdant trente hommes sur quarante, ils réussirent à placer leurs pétards sous la porte.

La mitraille et la mousqueterie sifflaient comme un ouragan de feu autour de Henri ; vingt hommes tombèrent en un instant à ses yeux.

— En avant ! en avant ! dit-il ; et il poussa son cheval au milieu des artilleurs.

Et il arriva au bord du fossé au moment où le premier pétard venait de jouer.

La porte s’était fendue en deux endroits.

Les artilleurs allumèrent le second pétard.

Il se fit une nouvelle gerçure dans le bois ; mais aussitôt, par la triple ouverture, vingt arquebuses passèrent, qui vomirent des balles sur les soldats et les officiers.

Les hommes tombaient autour du roi comme des épis fauchés.