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La petite armée partit sous le commandement de Mornay pour prendre ses positions.

Au moment où elle s’ébranla pour se mettre en marche, le roi vint à Chicot.

— Pardonne-moi, ami Chicot, lui dit-il ; je t’ai trompé en te parlant chasse, loups et autres balivernes ; mais je le devais décidément, et c’est ton avis à toi-même, puisque tu me l’as dit en toutes lettres. Décidément le roi Henri ne veut pas me payer la dot de sa sœur Margot, et Margot crie, Margot pleure pour avoir son cher Cahors. Il faut faire ce que femme veut pour avoir la paix dans son ménage : je vais donc essayer de prendre Cahors, mon cher Chicot.

— Que ne vous a-t-elle demandé la lune, sire, puisque vous êtes si complaisant mari ? répliqua Chicot, piqué des plaisanteries royales.

— J’eusse essayé, Chicot, dit le Béarnais : je l’aime tant, cette chère Margot !

— Oh ! vous avez bien assez de Cahors, et nous allons voir comment vous allez vous en tirer.

— Ah ! voilà justement où j’en voulais venir ; écoute, ami Chicot : le moment est suprême et surtout désagréable. Ah ! je ne fais pas blanc de mon épée, moi ; je ne suis pas brave, et la nature se révolte en moi à chaque arquebusade. Chicot, mon ami, ne te moque pas trop du pauvre Béarnais, ton compatriote et ton ami ; si j’ai peur et que tu t’en aperçoives, ne le dis pas.

— Si vous avez peur, dites-vous ?

— Oui.

— Vous avez donc peur d’avoir peur ?

— Sans doute.

— Mais alors, ventre de biche ! si c’est là votre naturel, pourquoi diable vous fourrez-vous dans toutes ces affaires-là ?…

— Dame ! quand il le faut.

— M. de Vesin est un terrible homme !