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Chicot regardait toutes ces choses, et écoutait toutes ces paroles d’un air effaré.

La mine pensive et presque piteuse du roi de Navarre le confirmait dans ses soupçons, que Henri était un pauvre homme de guerre, et cette conviction seule le rassurait un peu.

Henri avait laissé parler tout le monde, et, pendant l’émission des divers avis, il était resté muet comme un poisson.

Tout à coup il sortit de sa rêverie, releva la tête, et du ton du commandement :

— Messieurs, dit-il, voilà ce qu’il faut faire. Nous avons trois mille hommes, et deux que vous attendez, dites-vous, Mornay ?

— Oui, sire.

— Cela fera cinq mille en tout ; dans un siège en règle, on nous en tuera mille ou quinze cents en deux mois ; la mort de ceux-là découragera les autres : nous serons obligés de lever le siège et de battre en retraite ; en battant en retraite, nous en perdrons mille autres, ce sera la moitié de nos forces. Sacrifions cinq cents hommes tout de suite et prenons Cahors.

— Comment entendez-vous cela, sire ? demanda Mornay.

— Mon cher ami, nous irons droit à celle des portes qui se trouvera la plus proche de nous. Nous trouverons un fossé sur notre route ; nous le comblerons avec des fascines ; nous laisserons deux cents hommes à terre, mais nous atteindrons la porte.

— Après, sire ?

— Après la porte atteinte, nous la ferons sauter avec des pétards, et l’on se logera. Ce n’est pas plus difficile que cela.

Chicot regarda Henri, tout épouvanté.

— Oui, grommela-t-il, poltron et vantard, voilà bien mon Gascon ; est-ce toi, dis, qui iras placer le pétard sous la porte ?

À l’instant même, comme s’il eût entendu l’aparté de Chicot, Henri ajouta :