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— Curieux ?

— Non pas, sire ; mais, vous comprenez, on désire savoir où l’on va.

— Tu le sauras demain, mon fils ; en attendant, couche-toi là, sur les coussins à ma gauche ; tiens, voilà déjà Mornay qui ronfle à ma droite.

— Peste ! dit Chicot, il a le sommeil plus bruyant que la veille.

— Oui, c’est vrai, dit Henri, il n’est pas bavard ; mais c’est à la chasse qu’il faut le voir, et tu le verras.

Le jour paraissait à peine, quand un grand bruit de chevaux réveilla Chicot et le roi de Navarre.

Un vieux gentilhomme, qui voulut servir le roi lui-même, apporta à Henri la tartine de miel et le vin épicé du matin.

Mornay et Chicot furent servis par les serviteurs du vieux gentilhomme.

Le repas fini, on sonna le boute-selle.

— Allons, allons, dit Henri, nous avons une bonne journée à faire aujourd’hui ; à cheval, Messieurs, à cheval !

Chicot vit avec étonnement que cinq cents cavaliers avaient grossi l’escorte.

Ces cinq cents cavaliers étaient arrivés pendant la nuit.

— Ah çà ! mais, dit-il, ce n’est pas une suite que vous avez, sire, ce n’est plus même une troupe, c’est une armée.

Henri ne répondit rien que ces trois mots :

— Attends encore, attends.

À Lauzerte, six cents hommes de pied vinrent se ranger derrière cette troupe de cavaliers.

— Des fantassins ! s’écria Chicot ; de la pédaille !

— Des rabatteurs, fit le roi, rien autre chose que des rabatteurs.

Chicot fronça le sourcil et de ce moment il ne parla plus.

Vingt fois ses yeux se tournèrent vers la campagne, c’est-à-dire que vingt fois l’idée de fuir lui traversa l’esprit. Mais Chicot avait sa garde d’honneur, sans doute à titre de représentant du roi de France. Il en résultait que Chicot était si