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De l’autre côté de la Garonne, à une demi-lieue du fleuve à peu près, trois cents cavaliers, cachés dans une forêt de pins, apparurent aux yeux de Chicot.

— Oh ! oh ! Monseigneur, dit-il tout bas à Henri, est-ce que ces gens ne seraient point des jaloux qui auraient entendu parler de votre chasse et qui auraient dessein de s’y opposer ?

— Non pas, dit Henri, et tu te trompes encore cette fois, mon fils : ces gens sont des amis qui nous viennent de Puymirol, de vrais amis.

— Tudieu ! sire, vous allez avoir plus d’hommes à votre suite que vous ne trouverez d’arbres dans la forêt !

— Chicot, mon enfant, dit Henri, je crois, Dieu me pardonne ! que le bruit de ton arrivée s’est déjà répandu dans le pays, et que ces gens-là accourent des quatre coins de la province pour faire honneur au roi de France, dont tu es l’ambassadeur.

Chicot avait trop d’esprit pour ne pas s’apercevoir que depuis quelque temps déjà on se moquait de lui.

Il en prit de l’ombrage, mais non pas de l’humeur.

La journée finit à Monroy, où les gentilshommes de la contrée, réunis comme s’ils eussent été prévenus d’avance que le roi de Navarre devait passer, lui offrirent un beau souper, dont Chicot prit sa part avec enthousiasme, attendu qu’on n’avait pas jugé à propos de s’arrêter en route pour une chose si peu importante que le dîner, et qu’en conséquence on n’avait point mangé depuis Nérac.

On avait gardé pour Henri la plus belle maison de la ville, la moitié de la troupe coucha dans la rue où était le roi, l’autre en dehors des portes.

— Quand donc entrerons-nous en chasse ? demanda Chicot à Henri au moment où celui-ci se faisait débotter.

— Nous ne sommes pas encore sur le territoire des loups, mon cher Chicot, répondit Henri.

— Et quand y serons-nous, sire ?