Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous verrez, sire, que je n’aurai pas le bonheur d’assister à une chose pareille, dit Chicot ; en vérité, sire, je suis en guignon.

— Qui sait ? répondit Henri avec son rire goguenard.

Puis, comme on avait laissé Nérac, franchi les portes de la ville, comme depuis une demi-heure à peu près on marchait déjà dans la campagne :

— Tiens, dit Henri à Chicot, en amenant sa main au-dessus de ses yeux pour s’en faire une visière, tiens, je ne me trompe pas, je pense.

— Qu’y a-t-il ? demanda Chicot.

— Regarde donc là-bas aux barrières du bourg de Moiras ; ne sont-ce point des cavaliers que j’aperçois ?

Chicot se haussa sur ses étriers.

— Ma foi, sire, je crois que oui, dit-il.

— Et moi j’en suis sûr.

— Cavaliers, oui, dit Chicot en regardant avec plus d’attention ; mais chasseurs, non.

— Pourquoi pas chasseurs ?

— Parce qu’ils sont armés comme des Roland et des Amadis, répondit Chicot.

— Eh ! qu’importe l’habit, mon cher Chicot, tu as déjà appris en nous voyant que l’habit ne fait pas le chasseur.

— Mais, s’écria Chicot, je vois au moins deux cents hommes là-bas.

— Eh bien ! que prouve cela, mon fils ? que Moiras est une bonne redevance.

Chicot sentit sa curiosité aiguillonnée de plus en plus.

La troupe que Chicot avait dénombrée au plus bas chiffre, car elle se composait de deux cent cinquante cavaliers, se Joignit silencieusement à l’escorte ; chacun des hommes qui la composaient était bien monté, bien équipé, et le tout était commandé par un homme de bonne mine, qui vint baiser la main de Henri avec courtoisie et dévouement.

On passa le Gers à gué ; entre le Gers et la Garonne, dans