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— Voilà une raison, grommela Chicot, mais elle n’est pas excellente.

— Que veux-tu ! dit Henri, je n’en ai pas d’autre.

— Il faut donc que je m’en contente ?

— C’est ce que tu as de mieux à faire, mon fils,

— Soit.

— Voilà un soit qui sent sa critique intérieure, reprit Henri en riant : tu m’en veux de t’avoir dérangé pour aller à la chasse ?

— Ma foi, oui.

— Et tu gloses ?

— Est-ce défendu ?

— Non, mon ami, non, la gloserie est monnaie courante en Gascogne.

— Dame ! vous comprenez, sire : je ne suis pas chasseur, moi, répliqua Chicot, et il faut bien que je m’occupe à quelque chose, moi, pauvre fainéant, qui n’ai rien à faire ; tandis que vous vous pourléchez les moustaches, vous autres, du fumet de ces bons loups que vous allez forcer à douze ou quinze que vous êtes.

— Ah ! oui, dit le roi en souriant encore de la satire, les habits d’abord, puis le nombre ; raille, raille, mon cher Chicot.

— Oh ! sire !

— Mais je te ferai observer que tu n’es pas indulgent, mon fils : le Béarn n’est pas grand comme la France ; le roi, là-bas, marche toujours avec deux cents veneurs, moi, ici, je pars avec douze, comme tu vois.

— Oui, sire.

— Mais, continua Henri, tu vas croire que je gasconne, Chicot : eh bien ! quelquefois ici, ce qui n’arrive point là-bas, quelquefois ici, des gentilshommes de campagne, apprenant que je fais chasse, quittent leurs maisons, leurs châteaux, leurs mas, et viennent se joindre à moi, ce qui parfois me compose une assez belle escorte.