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XXII

COMMENT ON CHASSAIT LE LOUP EN NAVARRE.


Chicot, en jetant les yeux sur les préparatifs du départ, ne put s’empêcher de remarquer à demi voix que les chasses du roi Henri de Navarre étaient moins somptueuses que celles du roi Henri de France.

Douze ou quinze gentilshommes seulement, parmi lesquels il reconnut M. le vicomte de Turenne, objet des contestations matrimoniales, formaient toute la suite de Sa Majesté.

De plus, comme ces messieurs n’étaient riches qu’à la surface, comme ils n’avaient point d’assez puissants revenus pour faire d’inutiles dépenses, et même parfois d’utiles dépenses, presque tous, au lieu du costume de chasse en usage à cette époque, portaient le heaume et la cuirasse ; ce qui fit demander à Chicot si les loups de Gascogne avaient dans leurs forêts mousquets et artillerie.

Henri entendit la question, quoiqu’elle ne lui fût pas directement adressée ; il s’approcha de Chicot et lui toucha l’épaule.

— Non, mon fils, lui dit-il, les loups de Gascogne n’ont ni mousquets, ni artillerie ; mais ce sont de rudes bêtes, qui ont griffes et dents, et qui attirent les chasseurs dans des fourrés où l’on risque fort de déchirer ses habits aux épines ; or, on déchire un habit de soie ou de velours, et même un juste-au-corps de drap ou de buffle, mais on ne déchire pas une cuirasse.