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pendant cette heure pris toutes ses dispositions pour la chasse si pompeusement annoncée à Chicot, il était accouru au pavillon des filles d’honneur.

— Eh bien ! que dit-on ? fit-il en entrant, que ma fille Fosseuse est toujours souffrante ?

— Voyez-vous, Madame, s’écria la jeune fille à la vue de son amant, et rendue plus forte par le secours qui lui arrivait, voyez-vous que le roi n’a rien dit et que je fais bien de nier ?

— Monsieur, interrompit la reine en se retournant vers Henri, faites cesser, je vous prie, cette lutte humiliante ; je crois avoir compris tantôt que Votre Majesté m’avait honorée de sa confiance et révélé l’état de Mademoiselle. Avertissez-la donc que je suis au courant de tout, pour qu’elle ne se permette pas de douter lorsque j’affirme.

— Ma fille, demanda Henri avec une tendresse qu’il n’essayait même pas de voiler, vous persistez donc à nier ?

— Le secret ne m’appartient pas, sire, répondit la courageuse enfant, et tant que je n’aurai pas de votre bouche reçu congé de tout dire…

— Ma fille Fosseuse est un brave cœur, Madame, répliqua Henri ; pardonnez-lui, je vous en conjure ; et vous, ma fille, ayez en la bonté de votre reine toute confiance ; la reconnaissance me regarde, et je m’en charge.

Et Henri prit la main de Marguerite et la serra avec effusion.

En ce moment, un flot amer de douleur vint assaillir de nouveau la jeune fille ; elle céda donc une seconde fois sous la tempête, et, pliée comme un lis, elle inclina sa tête avec un sourd et douloureux gémissement.

Henri fut touché jusqu’au fond du cœur, quand il vit ce front pâle, ces yeux noyés, ces cheveux humides et épars ; quand il vit enfin perler sur les tempes et sur les lèvres de Fosseuse cette sueur de l’angoisse qui semble voisine de l’agonie.