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se plaignait de douleurs d’estomac, sans vouloir, tant sa douleur était grande, répondre à aucune question ni accepter aucun soulagement.

Fosseuse avait à cette époque vingt à vingt et un ans ; c’était une belle et grande personne, aux yeux bleus, aux cheveux blonds, au corps souple et plein de mollesse et de grâce ; seulement depuis près de trois mois elle ne sortait plus et se plaignait de lassitudes qui l’empêchaient de se lever ; elle était restée sur une chaise-longue, et de cette chaise-longue avait fini par passer dans son lit.

Chirac commença par congédier les assistants, et, s’emparant du chevet de la malade, il demeura seul avec elle et la reine.

Fosseuse, épouvantée de ces préliminaires, auxquels les deux physionomies de Chirac et de la reine, l’une impassible et l’autre glacée, ne laissaient pas que de donner une certaine solennité, Fosseuse se souleva sur son oreiller, et balbutia un remerciement pour l’honneur que lui faisait la reine sa maîtresse.

Marguerite était plus pâle que Fosseuse ; c’est que l’orgueil blessé est plus douloureux que la cruauté ou la maladie.

Chirac tâta le pouls de la jeune fille, mais ce fut presque malgré elle.

— Qu’éprouvez-vous ? lui demanda-t-il après un moment d’examen.

— Des douleurs d’estomac, Monsieur, répondit la pauvre enfant ; mais ce ne sera rien, je vous assure, et si j’avais seulement la tranquillité.

— Quelle tranquillité, Mademoiselle ? demanda la reine.

Fosseuse fondit en larmes.

— Ne vous affligez point, Mademoiselle, continua Marguerite, Sa Majesté m’a priée de vous visiter pour vous remettre l’esprit.

— Oh ! que de bontés, Madame !