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— J’ai mon épée.

— Ah ! c’est vrai, je ne l’avais pas vue ; alors vous serez arrêté par le prévôt comme étant armé.

Chicot vit qu’il n’y avait pas moyen de s’en tirer par des subtilités ; il prit l’officier à part.

— Voyons, Monsieur, dit-il, vous êtes jeune et charmant, vous savez ce que c’est que l’amour, un tyran impérieux.

— Sans doute, monsieur Chicot, sans doute.

— Eh bien ! l’amour me brûle, cornette. J’ai une certaine dame à visiter.

— Où cela ?

— Dans un certain quartier.

— Jeune ?

— Vingt-trois ans.

— Belle ?

— Comme les amours.

— Je vous en fais mon compliment, monsieur Chicot.

— Bien ! vous m’allez laisser passer, alors ?

— Dame ! il y a urgence, à ce qu’il paraît ?

— Urgence, c’est le mot, Monsieur.

— Passez donc.

— Mais seul, n’est-ce pas ? Vous sentez que je ne puis compromettre ?…

— Comment donc !… Passez, monsieur Chicot, passez.

— Vous êtes un galant homme, cornette.

— Monsieur !

— Non, ventre de biche ! c’est un beau trait. Mais, voyons, comment me connaissez-vous ?

— Je vous ai vu au palais avec le roi.

— Ce que c’est que les petites villes ! pensa Chicot ; s’il fallait qu’à Paris je fusse connu comme cela, combien de fois aurais-je eu la peau trouée au lieu du pourpoint !

Et il serra la main du jeune officier, qui lui dit :

— À propos, de quel côté allez-vous ?

— Du côté de la porte d’Agen.