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nétrer l’air, soit parce que le roi de Navarre, propriétaire assez peu soigneux, n’avait pas jugé à propos d’en renouveler les vitres.

Chicot reconnut la muraille avec ses doigts ; il calcula, en tâtonnant, chaque espace compris entre les saillies, et s’en servit pour poser le pied comme sur des échelons. Enfin il se hissa, nos lecteurs connaissent son adresse et sa légèreté, sans faire plus de bruit que n’en eût fait une feuille sèche frôlant la muraille sous le souffle du vent d’automne.

Mais l’imposte était d’une convexité disproportionnée, si bien que l’ellipse n’en était pas égale à celle du ventre et des épaules de Chicot, bien que le ventre fût absent et que les épaules, souples comme celles d’un chat, semblassent se démettre et se fondre dans les chairs pour occuper moins d’espace.

Il en résulta que lorsque Chicot eut passé la tête et une épaule, et lâché du pied la saillie du mur, il se trouva pendu entre le ciel et la terre sans pouvoir reculer ni avancer.

Il commença alors une série d’efforts dont le premier résultat fut de déchirer son pourpoint et d’entamer sa peau.

Ce qui rendait la position plus difficile, c’était l’épée dont la poignée ne voulait point passer, faisant un crampon intérieur qui retenait Chicot collé sur le châssis de l’imposte.

Chicot réunit toutes ses forces, toute sa patience, toute son industrie, pour détacher l’agrafe de son baudrier, mais c’était sur cette agrafe justement que pesait la poitrine ; il lui fallut donc changer de manœuvre ; il réussit à couler son bras derrière son dos et à tirer l’épée du fourreau ; une fois l’épée tirée, il fut plus facile de trouver, grâce à ce corps anguleux, un interstice par où se glissa la poignée : l’épée alla donc tomber la première sur la dalle, et Chicot, glissant par l’ouverture comme une anguille, la suivit en amortissant sa chute avec ses deux mains.

Toute cette lutte de l’homme contre les mâchoires fer-