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— Non.

— Vous n’êtes donc ni joueur ni amoureux ?

— Pour jouer il faut de l’argent, monsieur Chicot ; pour être amoureux, il faut une maîtresse.

— Assurément, dit Chicot.

Et il fouilla dans sa poche.

Le page le regardait faire.

— Cherchez bien dans votre mémoire, mon cher ami, lui dit-il, et je parie que vous y trouverez quelque femme charmante à qui je vous prie d’acheter force rubans et de donner force violons avec ceci.

Et Chicot glissa dans la main du page dix pistoles qui n’étaient pas rognées comme celles du Béarnais.

— Allons donc, monsieur Chicot, dit le page, on voit bien que vous venez de la cour de France, vous avez des manières auxquelles on ne saurait rien refuser ; sortez donc de votre chambre ; mais surtout ne faites point de bruit.

Chicot ne se le fit point dire à deux fois, il glissa comme une ombre dans le corridor, et du corridor dans l’escalier ; mais, arrivé au bas du péristyle, il trouva un officier du palais, dormant sur une chaise.

Cet homme fermait la porte par le poids même de son corps ; essayer de passer eût été folie.

— Ah ! petit brigand de page, murmura Chicot, tu savais cela, et tu ne m’as point prévenu.

Pour comble de malheur, l’officier paraissait avoir le sommeil très-léger : il remuait, avec des soubresauts nerveux, tantôt un bras, tantôt une jambe ; une fois même il étendit le bras comme un homme qui menace de s’éveiller.

Chicot chercha autour de lui s’il n’y avait pas une issue quelconque par laquelle, grâce à ses longues jambes et à un poignet solide, il pût s’évader sans passer par la porte.

Il aperçut enfin ce qu’il désirait.

C’était une de ces fenêtres cintrées qu’on appelle impostes, et qui était demeurée ouverte, soit pour laisser pé-