Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Au lieu d’une femme, ce fut un homme qui entra.

Et lorsque cet homme eut ôté son chapeau, Chicot reconnut la noble et sévère figure de Duplessis-Mornay, le conseiller rigide et vigilant de Henri de Navarre.

— Ah ! diable ! fit Chicot ; voilà qui va surprendre notre amoureux et le gêner, certes, plus que je ne le gênais moi-même.

Mais le visage de Henri, à cette apparition, n’exprima que la joie ; il serra les mains du nouveau venu, repoussa la table avec dédain et fit asseoir Mornay auprès de lui avec toute l’ardeur qu’eût mise un amant à s’approcher de sa maîtresse.

Il semblait avide d’entendre les premiers mots qu’allait prononcer le conseiller : mais tout à coup, et avant que Mornay eût parlé, il se leva et, lui faisant signe d’attendre, il alla à la porte et poussa les verrous avec une circonspection qui donna beaucoup à penser à Chicot.

Puis il attacha son regard ardent sur des cartes, des plans et des lettres que le ministre fit successivement passer sous ses yeux.

Le roi alluma d’autres bougies, et se mit à écrire et à pointer les cartes de géographie.

— Oh ! oh ! fit Chicot, voilà la bonne nuit du roi de Navarre, Ventre de biche ! si elles ressemblent toutes à celle-là, Henri de Valois pourra bien en passer quelques-unes de mauvaises.

En ce moment, il entendit marcher derrière lui ; c’était le page qui gardait la galerie et l’attendait par ordre du roi. Dans la crainte d’être surpris, s’il demeurait plus longtemps aux écoutes, Chicot redressa sa grande taille et demanda sa chambre à l’enfant.

D’ailleurs, il n’avait plus rien à apprendre ; l’apparition de Duplessis lui avait tout dit.

— Venez avec moi, s’il vous plaît, Monsieur, dit d’Aubiac, je suis chargé de vous conduire à votre appartement.