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— Prends cette bourse qui est sur la tablette, près de mon épée, vois-tu ?

— Je la tiens, sire…

— À merveille !

Ils descendirent donc : la nuit était venue. Le roi, tout en marchant, paraissait soucieux, préoccupé.

Chicot le regardait et s’attristait de cette préoccupation.

— Où diable ai-je eu l’idée, se disait-il à lui-même, d’aller parler politique à ce brave prince ? Je lui ai mis la mort au cœur, en vérité ! Absurde bélître que je suis, va !

Une fois descendu dans la cour, Henri de Navarre s’approcha du groupe de mendiants qui avait été signalé par Chicot.

C’était, en effet, une douzaine d’hommes de stature, de physionomie et de costumes différents ; des gens qu’un inhabile observateur eût remarqués à leur voix, à leur pas, à leurs gestes, pour des bohémiens, des étrangers, des passants insolites, et qu’un observateur eût reconnus, lui, pour des gentilshommes déguisés.

Henri prit la bourse des mains de Chicot et fit un signe.

Tous les mendiants parurent comprendre parfaitement ce signe.

Ils vinrent alors le saluer, chacun à son tour, avec un air d’humilité qui n’excluait point un regard plein d’intelligence et d’audace, adressé au roi lui seul, comme pour lui dire :

— Sous l’enveloppe le cœur brûle.

Henri répondit par un signe de tête, puis introduisant l’index et le pouce dans la bourse que Chicot tenait ouverte, il y prit une pièce.

— Eh ! fit Chicot, vous savez que c’est de l’or, sire ?

— Oui, mon ami, je le sais.

— Peste ! vous êtes riche.

— Ne vois-tu pas, mon ami, dit Henri avec un sourire que toutes ces pièces d’or me servent à deux aumônes ? Je