— Voilà donc l’explication de ma situation ? dit Henri.
— Complète, sire.
— Et moi qui ne voyais rien de tout cela, Chicot, moi qui espérais toujours, comprends-tu ?
— Eh bien, sire, si j’ai un conseil à vous donner, c’est de cesser d’espérer, au contraire !
— Je vais donc faire, Chicot, pour cette créance du roi de France, ce que je fais pour ceux de mes métayers qui ne peuvent me solder le fermage ; je mets un P à côté de leur nom.
— Ce qui veut dire payé ?
— Justement.
— Mettez deux P, sire, et poussez un soupir.
Henri soupira.
— Ainsi ferai-je, Chicot, dit-il. Au reste, mon ami, tu vois qu’on peut vivre en Béarn, et que je n’ai pas absolument besoin de Cahors.
— Je vois cela, et, comme je m’en doutais, vous êtes un prince sage, un roi philosophe… Mais quel est ce bruit ?
— Du bruit ? où cela ?
— Mais dans la cour, ce me semble.
— Regarde par la fenêtre, mon ami, regarde.
Chicot s’approcha de la croisée.
— Sire, dit-il, il y a en bas une douzaine de gens assez mal accoutrés.
— Ah ! ce sont mes pauvres, fit le roi de Navarre en se levant.
— Votre Majesté a ses pauvres ?
— Sans doute, Dieu ne recommande-t-il point la charité ? Pour n’être point catholique, Chicot, je n’en suis pas moins chrétien.
— Bravo ! sire.
— Viens, Chicot, descendons ; nous ferons ensemble l’aumône, puis nous remonterons souper.
— Sire, je vous suis.