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XVIII

LES PAUVRES DU ROI DE NAVARRE.


Chicot était plongé dans une surprise si profonde, qu’il ne songea point, Henri resté seul, à sortir de son cabinet.

Le Béarnais leva la tapisserie et alla lui frapper sur l’épaule.

— Eh bien ! maître Chicot, dit-il, comment trouvez-vous que je m’en sois tiré ?

— À merveille, sire, répliqua Chicot encore étourdi. Mais, en vérité, pour un roi qui ne reçoit pas souvent d’ambassadeurs, il paraît que, quand vous les recevez, vous les recevez bons.

— C’est pourtant mon frère Henri qui me vaut ces ambassadeurs-là.

— Comment cela, sire ?

— Oui : s’il ne persécutait pas incessamment sa pauvre sœur, les autres ne songeraient pas à la persécuter. Crois-tu que si le roi d’Espagne n’avait pas su l’injure publique faite à la reine de Navarre, quand un capitaine des gardes a fouillé sa litière, crois-tu qu’on viendrait me proposer de la répudier ?

— Je vois avec bonheur, sire, répondit Chicot, que tout ce que l’on tentera sera inutile, et que rien ne pourra rompre la bonne harmonie qui existe entre vous et la reine.

— Eh ! mon ami, l’intérêt qu’on a à nous brouiller est trop clair…

— Je vous avoue, sire, que je ne suis pas si pénétrant que vous le croyez.