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maintenant, connaissant la sagesse de Votre Majesté, regarder ma négociation comme heureusement accomplie.

Un silence, plus profond encore que le premier, succéda à ces paroles, afin, sans doute, de laisser arriver dans toute sa puissance la réponse que l’ange exterminateur attendait pour frapper çà ou là, sur la France ou sur l’Espagne.

Henri de Navarre fit trois ou quatre pas dans son cabinet.

— Ainsi donc. Monsieur, dit-il enfin, voilà la réponse que vous êtes chargé de m’apporter ?

— Oui, sire.

— Rien autre chose avec ?

— Rien autre chose.

— Eh bien ! dit Henri, je refuse l’offre de Sa Majesté le roi d’Espagne.

— Vous refusez la main de l’infante ! s’écria l’Espagnol, avec un saisissement pareil à celui que cause la douleur d’une blessure à laquelle on ne s’attend pas.

— Honneur bien grand, Monsieur, répondit Henri en relevant la tête, mais que je ne puis croire au-dessus de l’honneur d’avoir épousé une fille de France.

— Oui, mais cette première alliance vous approchait du tombeau, sire ; la seconde vous approche du trône.

— Précieuse, incomparable fortune, Monsieur, je le sais, mais que je n’achèterai jamais avec le sang et l’honneur de mes futurs sujets. Quoi ! Monsieur, je tirerais l’épée contre le roi de France, mon beau-frère, pour l’Espagnol étranger ! Quoi ! j’arrêterais l’étendard de France dans son chemin de gloire, pour laisser les tours de Castille et les lions de Léon achever l’œuvre qu’il a commencée ! Quoi ! je ferais tuer des frères par des frères ; j’amènerais l’étranger dans ma patrie ! Monsieur, écoutez bien ceci : j’ai demandé à mon voisin le roi d’Espagne des secours contre MM. de Guise, qui sont des factieux avides de mon héritage, mais non contre le duc d’Anjou, mon beau-frère ; mais non contre le roi Henri III, mon ami ; mais non contre ma