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— Cette alliance, continua l’ambassadeur, est toute conclue, et voici comment : le roi d’Espagne donne l’infante sa fille au roi de Navarre, et Sa Majesté elle-même épouse madame Catherine de Navarre, sœur de Votre Majesté.

Un frisson d’orgueil parcourut tout le corps du Béarnais, un frisson d’épouvante tout le corps de Chicot : l’un voyait surgir à l’horizon sa fortune, radieuse comme le soleil levant ; l’autre voyait descendre et mourir le sceptre et la fortune des Valois.

L’Espagnol, impassible et glacé, ne voyait rien, lui, que les instructions de son maître.

Il se fit, pendant un instant, un silence profond ; puis, après cet instant, le roi de Navarre reprit :

— La proposition, Monsieur, est magnifique, et me comble d’honneur.

— Sa Majesté, se hâta de dire le négociateur orgueilleux qui comptait sur une acceptation d’enthousiasme, Sa Majesté le roi d’Espagne ne se propose de soumettre à Votre Majesté qu’une seule condition.

— Ah ! une condition, dit Henri, c’est trop juste ; voyons la condition.

— En aidant Votre Majesté contre les princes lorrains, c’est-à-dire en ouvrant le chemin du trône à Votre Majesté, mon maître désirerait se faciliter, par votre alliance, un moyen de garder les Flandres, auxquelles monseigneur le duc d’Anjou mord, à cette heure, à pleines dents. Votre Majesté comprend bien que c’est toute préférence donnée à elle par mon maître sur les princes lorrains, puisque MM. de Guise, ses alliés naturels comme princes catholiques, font tout seuls un parti contre M. le duc d’Anjou, en Flandre. Or, voici la condition, la seule ; elle est raisonnable et douce : Sa Majesté le roi d’Espagne s’alliera à vous par un double mariage ; il vous aidera à… (l’ambassadeur chercha un instant le mot propre), à succéder au roi de France, et vous lui garantirez les Flandres. Je puis donc