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furent achevés et que Chicot eut pu se convaincre, du fond de sa cachette, que le Béarnais s’entendait fort bien à donner audience :

— Puis-je parler librement à Votre Majesté ? demanda l’envoyé dans la langue espagnole, que tout Gascon ou Béarnais peut comprendre comme celle de son pays, à cause des analogies éternelles.

— Vous pouvez parler, Monsieur, répondit le Béarnais.

Chicot ouvrit deux larges oreilles. L’intérêt était grand pour lui.

— Sire, dit l’ambassadeur, j’apporte la réponse de S. M. Catholique.

— Bon ! fit Chicot, s’il apporte la réponse, c’est qu’il y a eu demande.

— Touchant quel sujet ? demanda Henri.

— Touchant vos ouvertures du mois dernier, sire.

— Ma foi, je suis très-oublieux, dit Henri. Veuillez me rappeler quelles étaient ces ouvertures, je vous prie, monsieur l’ambassadeur.

— Mais à propos des envahissements des princes lorrains en France.

— Oui, et particulièrement à propos de ceux de mon compère de Guise. Fort bien ! je me souviens maintenant ; continuez, Monsieur, continuez.

— Sire, reprit l’Espagnol, le roi mon maître, bien que sollicité de signer un traité d’alliance avec la Lorraine, a regardé une alliance avec la Navarre comme plus loyale, et, tranchons le mot, comme plus avantageuse.

— Oui, tranchons le mot, dit Henri.

— Je serai franc avec Votre Majesté, sire, car je connais les intentions du roi mon maître à l’égard de Votre Majesté,

— Et moi, puis-je les connaître ?

— Sire, le roi mon maître n’a rien à refuser à la Navarre.

Chicot colla son oreille à la tapisserie, tout en se mordant le bout du doigt pour s’assurer qu’il ne dormait pas.