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— Moi, dit Henri, je n’y pense plus, ou le diable m’emporte.

— À la bonne heure !

— J’ai bien autre chose à faire, ma foi, que de penser à cela.

— Votre Majesté préfère se divertir, hein ?

— Oui, mon fils, dit Henri, assez mécontent du ton avec lequel Chicot avait prononcé ce peu de paroles ; oui, ma Majesté aime mieux se divertir.

— Pardon, mais je gêne peut-être Votre Majesté ?

— Eh ! mon fils, reprit Henri en haussant les épaules, je t’ai déjà dit que ce n’était pas ici comme au Louvre. Ici l’on fait au grand jour tout amour, toute guerre, toute politique.

Le regard du roi était si doux, son sourire si caressant, que Chicot se sentit tout enhardi.

— Guerre et politique moins qu’amour, n’est-ce pas, sire ? dit-il.

— Ma foi, oui, mon cher ami, je l’avoue : ce pays et si beau, ces vins du Languedoc si savoureux, ces femmes de Navarre si belles !

— Eh ! sire, reprit Chicot, vous oubliez la reine, ce me semble ; les Navarraises sont-elles plus belles et plus accortes qu’elle, par hasard ? En ce cas, j’en fais mon compliment aux Navarraises.

— Ventre saint gris ! tu as raison, Chicot, et moi qui oubliais que tu es ambassadeur, que tu représentes le roi Henri III, que le roi Henri III est frère de madame Marguerite, et que par conséquent devant toi, par convenance, je dois mettre madame Marguerite au-dessus de toutes les femmes ! Mais il faut excuser mon imprudence, Chicot ; je ne suis point habitué aux ambassadeurs, mon fils.

En ce moment, la porte du cabinet s’ouvrit, et d’Aubiac annonça d’une voix haute :

M. l’ambassadeur d’Espagne.