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— Avez-vous besoin ou non de vos serviteurs, voyons ?

— Si j’en ai besoin, ma mie ? La belle question ! Que ferais-je sans eux et réduit à mes propres forces, mon Dieu !

— Eh bien ! sire, le roi veut détacher de vous vos meilleurs serviteurs.

— Je l’en défie.

— Bravo ! sire, murmura Chicot.

— Eh ! sans doute, fit Henri avec cette étonnante bonhomie qui lui était si particulière, que, jusqu’à la fin de sa vie, chacun s’y laissa prendre, car mes serviteurs me sont attachés par le cœur et non par l’intérêt. Je n’ai rien à leur donner, moi.

— Vous leur donnez tout votre cœur, toute votre foi, sire, c’est le meilleur retour d’un roi à ses amis.

— Oui, ma mie, eh bien ?

— Eh bien, sire, n’ayez plus foi en eux.

— Ventre saint-gris ! je n’en manquerai que s’ils m’y forcent, c’est-à-dire s’ils déméritent.

— Bon, alors, fit Marguerite, on vous prouvera qu’ils déméritent, sire ; voilà tout.

— Ah ! ah ! fit le roi ; mais en quoi ?

Chicot baissa de nouveau la tête, comme il faisait dans tous les moments scabreux.

— Je ne puis vous conter cela, sire, répondit Marguerite, sans compromettre…

Et elle regarda autour d’elle.

Chicot comprit qu’il gênait et se recula.

— Cher messager, lui dit le roi, veuillez m’attendre en mon cabinet : la reine a quelque chose de particulier à me dire, quelque chose de très-utile pour mon service, à ce que je vois.

Marguerite resta immobile, à l’exception d’un léger signe de tête, que Chicot crut avoir saisi seul. Voyant donc qu’il faisait plaisir aux deux époux en s’en allant, il se leva et quitta la chambre, avec un seul salut à l’adresse de tous deux.