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matites, un groupe chamarré de rubans, de plumes et d’épées de velours ; peut-être toute cette belle triperie était-elle d’un goût un peu usé, d’une mode un peu vieillie ; mais, pour Nérac, c’était brillant, éblouissant même. Chicot, qui venait en droite ligne de Paris, fut satisfait du coup d’œil.

Comme un page du roi précédait Chicot, la reine, dont les yeux erraient çà et là avec l’éternelle inquiétude des cœurs mélancoliques, la reine reconnut les couleurs de Navarre et l’appela.

— Que veux-tu, d’Aubiac ? demanda-t-elle.

Le jeune homme, nous aurions pu dire l’enfant, car il n’avait que douze ans à peine, rougit et ploya le genou devant Marguerite.

— Madame, dit-il en français, car la reine exigeait qu’on proscrivît le patois de toutes les manifestations de service ou de toutes les relations d’affaires, un gentilhomme de Paris, envoyé du Louvre à Sa Majesté le roi de Navarre, et renvoyé par Sa Majesté le roi de Navarre à vous, désire parler à Votre Majesté.

Un feu subit colora le beau visage de Marguerite ; elle se tourna vivement et avec cette sensation pénible qui, à toute occasion, pénètre les cœurs longtemps froissés.

Chicot était debout et immobile à vingt pas d’elle.

Ses yeux subtils reconnurent au maintien et à la silhouette, car le Gascon se dessinait sur le fond orangé du ciel, une tournure de connaissance ; elle quitta le cercle, au lieu de commander au nouveau venu d’approcher.

En se retournant toutefois pour donner un adieu à la compagnie, elle fit signe du bout des doigts à un des plus richement vêtus et des plus beaux gentilshommes.

L’adieu pour tous était réellement un adieu pour un seul.

Mais comme le cavalier privilégié ne paraissait pas sans inquiétude, malgré ce salut qui avait pour but de le rassurer, et que l’œil d’une femme voit tout :