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revenue du sombre royaume de la mort, nul n’eût su dire pourquoi les joues de Marguerite étaient déjà si pâles, pourquoi ses yeux se noyaient involontairement de tristesses inconnues, pourquoi enfin ce cœur profond laissait voir son vide, jusque dans son regard autrefois si expressif.

Marguerite n’avait plus de confidents.

La pauvre reine n’en voulait plus, depuis que les autres avaient, pour de l’argent, vendu sa confiance et son honneur.

Elle marchait donc seule, et cela doublait peut-être encore aux yeux des Navarrais, sans qu’ils s’en doutassent eux-mêmes, la majesté de cette attitude, mieux dessinée par son isolement.

Du reste, ce mauvais vouloir, qu’elle sentait chez Henri, était tout instinctif, et venait bien plutôt de la propre conscience de ses torts que des faits du Béarnais.

Henri ménageait en elle une fille de France ; il ne lui parlait qu’avec une obséquieuse politesse, ou qu’avec un gracieux abandon ; il n’avait pour elle, en toute occasion et à propos de toutes choses, que les procédés d’un mari et d’un ami.

Aussi, la cour de Nérac, comme toutes les autres cours vivant sur les relations faciles, débordait-elle d’harmonies au moral et au physique.

Telles étaient les études et les réflexions que faisait, sur des apparences bien faibles encore, Chicot, le plus observateur et le plus méticuleux des hommes.

Il s’était présenté d’abord au palais, renseigné par Henri, mais il n’y avait trouvé personne.

Marguerite, lui avait-on dit, était au bout de cette belle allée parallèle au fleuve, et il se rendait dans cette allée, qui était la fameuse allée des trois mille pas, par celle des lauriers-roses.

Lorsqu’il fut aux deux tiers de l’allée, il aperçut au bout, sous un bosquet de jasmin d’Espagne, de genêts et de clé-