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XIV

L’ALLÉE DES TROIS MILLE PAS.


La reine habitait l’autre aile du château, divisée à peu près de la même façon que celle que venait de quitter Chicot.

On entendait toujours de ce côté quelque musique, on y voyait toujours rôder quelque panache.

La fameuse allée des trois mille pas, dont il avait été tant question, commençait aux fenêtres mêmes de Marguerite, et sa vue ne s’arrêtait jamais que sur des objets agréables, tels que massifs de fleurs, berceaux de verdure, etc.

On eût dit que la pauvre princesse essayait de chasser, par le spectacle des choses gracieuses, tant d’idées lugubres qui habitaient au fond de sa pensée.

Un poëte périgourdin (Marguerite, en province comme à Paris, était toujours l’étoile des poëtes), un poëte périgourdin avait composé un sonnet à son intention.

« Elle veut, disait-il, par le soin qu’elle met à placer garnison dans son esprit, en chasser tous les tristes souvenirs. »

Née au pied du trône, fille, sœur et femme de roi, Marguerite avait en effet profondément souffert.

Sa philosophie, plus fanfaronne que celle du roi de Navarre, était moins solide, parce qu’elle n’était que factice et due à l’étude, tandis que celle du roi naissait de son propre fonds.

Aussi, Marguerite, toute philosophe qu’elle était, ou plu-