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comme je viens d’avoir l’honneur de le dire à Votre Majesté, et peu de gens l’eussent eu meilleure.

— Vous l’avez perdue ?

— Je me suis hâté de l’anéantir, sire, car M. de Mayenne courait après moi pour me la voler.

— Le cousin Mayenne ?

— En personne.

— Heureusement il ne court pas bien fort. Engraisse-t-il toujours ?

— Ventre de biche ! pas en ce moment, je suppose.

— Et pourquoi cela ?

— Parce qu’en courant, comprenez-vous, sire, il a eu le malheur de me rejoindre, et, dans la rencontre, ma foi, il a attrapé un bon coup d’épée.

— Et de la lettre ?

— Pas l’ombre, grâce à la précaution que j’avais prise.

— Bravo ! vous aviez tort de ne pas vouloir me raconter votre voyage, monsieur Chicot, dites-moi cela en détail, cela m’intéresse vivement.

— Votre Majesté est bien bonne.

— Seulement une chose m’inquiète.

— Laquelle ?

— Si la lettre est anéantie pour mons de Mayenne, elle est de même anéantie pour moi ; comment donc saurai-je alors quelle chose m’écrivait mon bon frère Henri, puisque sa lettre n’existe plus ?

— Pardon, sire ; elle existe dans ma mémoire.

— Comment cela ?

— Avant de la déchirer, je l’ai apprise par cœur.

— Excellente idée, monsieur Chicot, excellente, et je reconnais bien là l’esprit d’un compatriote. Vous allez me la réciter, n’est-ce pas ?

— Volontiers, sire.

— Telle qu’elle était, sans y rien changer ?

— Sans y faire un seul contre-sens.