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l’effleurer de l’aile, la bouche rieuse, l’œil, brillant d’insouciance et de santé.

Tout en s’approchant, il arrachait de la main gauche les fleurs de la bordure.

— Qui me veut parler ? demanda-t-il à son page.

— Sire, répondit celui-ci, un homme qui m’a l’air moitié seigneur, moitié homme de guerre.

Chicot entendit ces derniers mots et s’avança timidement.

— C’est moi, sire, dit-il.

— Bon ! s’écria le roi en levant ses deux bras au ciel, monsieur Chicot en Navarre, monsieur Chicot chez nous ! Ventre saint-gris ! soyez le bienvenu, cher monsieur Chicot.

— Mille grâces, sire.

— Bien vivant, grâce à Dieu.

— Je l’espère du moins, cher sire, dit Chicot, transporté d’aise.

— Ah ! parbleu ! dit Henri, nous allons boire ensemble d’un petit vin de Limoux dont vous me donnerez des nouvelles. Vous me faites en vérité bien joyeux, monsieur Chicot ; asseyez-vous là.

Et il montrait un banc de gazon.

— Jamais, sire, dit Chicot en se défendant.

— Avez-vous donc fait deux cents lieues pour me venir voir, afin que je vous laisse debout ? Non pas, monsieur Chicot, assis, assis ; on ne cause bien qu’assis.

— Mais, sire, le respect !

— Du respect chez nous, en Navarre ! tu es fou, mon pauvre Chicot ; et qui donc pense à cela ?

— Non, sire, je ne suis pas fou, répondit Chicot, je suis ambassadeur.

Un léger pli se forma sur le front pur du roi ; mais il disparut si rapidement que Chicot, tout observateur qu’il était, n’en reconnut même pas la trace.

— Ambassadeur, dit Henri avec une surprise qu’il essaya de rendre naïve, ambassadeur de qui ?