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dont les yeux ne quittaient pas l’horizon profond et sombre.

— Mayneville, que peut-il donc être arrivé ?

— Je vais monter à cheval moi-même, et nous le saurons, Madame.

Et Mayneville fit un mouvement pour sortir.

— Je vous le défends, s’écria la duchesse en le retenant ; Mayneville, qui donc resterait près de moi ? qui donc connaîtrait tous nos officiers, tous nos amis, quand le moment sera venu ? Non, non, demeurez, Mayneville ; on se forge des appréhensions bien naturelles, quand il s’agit d’un secret de cette importance ; mais, en vérité, le plan était trop bien combiné, et surtout tenu trop secret pour ne pas réussir.

— Neuf heures, dit Mayneville, répondant à sa propre impatience, plutôt qu’aux paroles de la duchesse ; eh ! voilà les jacobins qui sortent de leur couvent et qui se rangent le long des murs de la cour ; peut-être ont-ils quelque avis particulier, eux.

— Silence ! s’écria la duchesse en étendant la main vers l’horizon.

— Quoi !

— Silence, écoutez !

On commençait d’entendre au loin un roulement pareil à celui du tonnerre.

— C’est la cavalerie, s’écria la duchesse, ils nous l’amènent, ils nous l’amènent !

Et passant, selon son caractère emporté, de l’appréhension la plus cruelle à la joie la plus folle, elle battit des mains en criant :

— Je le tiens ! je le tiens !

Mayneville écouta encore.

— Oui, dit-il, oui, c’est un carrosse qui roule et des chevaux qui galopent.

Et il commanda à pleine voix :

— Hors les murs, mes pères, hors les murs !