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Or, pareille chose eût bien réjoui Ernauton s’il l’eût connue ; mais le jeune homme voyait et ne comprenait pas, ce qui rembrunit un peu son existence pendant dix minutes.

Cependant, lorsqu’il eut reconnu tous les prisonniers auxquels on l’agrégeait :

— Monsieur, dit-il à Sainte-Maline, je vois que vous étiez prévenu de l’importance de ma mission, et qu’en galant compagnon vous avez eu peur pour moi d’une mauvaise rencontre, ce qui vous a déterminé à prendre la peine de me faire escorter ; maintenant, je puis vous le dire, vous aviez grande raison : le roi m’attend et j’ai d’importantes choses à lui dire. J’ajouterai même que comme, sans vous, je ne fusse probablement point arrivé, j’aurai l’honneur de dire au roi ce que vous avez fait pour le bien de son service.

Sainte-Maline rougit comme il avait pâli ; mais il comprit, en homme d’esprit qu’il était quand quelque passion ne l’aveuglait point, qu’Ernauton disait vrai, et qu’il était attendu. On ne plaisantait pas avec MM. de Loignac et d’Épernon ; il se contenta donc de répondre :

— Vous êtes libre, monsieur Ernauton ; enchanté d’avoir pu vous être agréable.

Ernauton s’élança hors des rangs et monta les degrés qui conduisaient à la chambre du roi.

Sainte-Maline l’avait suivi des yeux, et, à moitié de l’escalier, il put voir Loignac qui accueillait M. de Carmainges et lui faisait signe de continuer sa route.

Loignac de son côté descendit ; il venait procéder au dépouillement de la prise.

Il se trouva, et ce fut Loignac qui constata ce fait, que la route, devenue libre, grâce à l’arrestation des cinquante hommes, serait libre jusqu’au lendemain, puisque l’heure où ces cinquante hommes devaient se trouver réunis à Bel-Esbat était passée.