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Ce n’est pas tout, il avait encore eu la chance de ne pas trahir le roi, de ne pas trahir M, de Mayenne, et de ne point se trahir lui-même.

Donc il était content, mais il désirait encore beaucoup de choses, et parmi ces choses, un prompt retour à Vincennes pour informer le roi.

Puis, le roi informé, pour se coucher et songer.

Songer, c’est le bonheur suprême des gens d’action, c’est le seul repos qu’ils se permettent.

Aussi, à peine hors la porte de Bel-Esbat, Ernauton mit-il son cheval au galop ; puis à peine eut-il encore fait cent pas au galop de ce compagnon si bien éprouvé depuis quelques jours, qu’il se vit tout à coup arrêté par un obstacle que ses yeux, éblouis par la lumière de Bel-Esbat, et encore mal habitués à l’obscurité, n’avaient pu apercevoir et ne pouvaient mesurer.

C’était tout simplement un gros de cavaliers qui, des deux côtés de la route se renfermant sur le milieu, l’entouraient et lui mettaient sur la poitrine une demi-douzaine d’épées et autant de pistolets et de dagues.

C’était beaucoup pour un seul.

— Oh ! oh ! dit Ernauton, on vole sur le chemin à une lieue de Paris ; peste soit du pays ! Le roi a un mauvais prévôt ; je lui donnerai le conseil de le changer.

— Silence, s’il vous plaît, dit une voix qu’Ernauton crut reconnaître ; votre épée, vos armes, et faisons vite.

Un homme prit la bride du cheval, deux autres dépouillèrent Ernauton de ses armes.

— Peste ! quels habiles gens ! murmura Ernauton.

Puis se retournant vers ceux qui l’arrêtaient :

— Messieurs, dit-il, vous me ferez au moins la grâce de m’apprendre…

— Eh ! mais, c’est monsieur de Carmainges ? dit le détrousseur principal, celui-là même qui venait de saisir l’épée du jeune homme et qui la tenait encore.