Page:Dumas - Les Frères Corses, 1881.djvu/277

Cette page a été validée par deux contributeurs.
265
OTHON L’ARCHER

ticulés, comme ceux qu’on laisse échapper pendant un rêve.

« — Oui, je sais, continua le chevalier, ce que je te dis est inouï. Mais souviens-toi, Béatrix, que j’étais tombé sur la terre des miracles. Le Seigneur fît pour moi ce qu’il fit pour la fille de Jaïre et le frère de Madeleine. Voilà tout !

« — Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! s’écria Béatrix en se relevant sur ses genoux, ce que vous dites là n’est pas possible !

« — Je te croyais plus de foi, Béatrix, répondit le chevalier.

« — Vous êtes Rodolphe d’Alost ? murmura la princesse.

« — Lui-même : Godefroy, tu le sais, m’avait laissé, ainsi qu’à ses deux frères, le commandement de l’armée pour venir chercher ton père. Lorsqu’il revint à nous, il était tellement émerveillé de ta jeune beauté, que, pendant toute la route, il ne parla que de toi. Si Godefroy t’aimait comme une fille, je puis dire qu’il m’aimait comme un fils ; aussi, du moment où il t’avait revue, une seule idée s’était emparée de lui, celle de nous unir l’un à l’autre. J’avais vingt ans alors, une âme vierge comme celle d’une jeune fille. Le portrait qu’il me fit de toi enflamma mon cœur, et bientôt je t’aimais aussi ardemment que si je t’eusse connue depuis mon enfance. Toutes choses étaient si bien conve-