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— Monsieur, dit le roi à Monk, vous êtes libre.

— Maintenant, ma tête est à moi, et je prétends la ménager plus que jamais. D’abord causons finances… Comment se porte notre argent ?

— À merveille, Monsieur. Les vingt mille livres que j’ai reçues de vous sont placées toujours dans mon commerce, où elles rapportent neuf pour cent. Je vous en donne sept, je gagne donc sur vous.

— Et tu es toujours content ?

— Enchanté. Vous m’en apportez d’autres ?

— Mieux que cela… Mais en as-tu donc besoin ?

— Oh ! que non pas. Chacun m’en veut confier à présent. J’étends mes affaires.

— C’était ton projet.

— Je fais un jeu de banque… J’achète les marchandises de mes confrères nécessiteux, je prête de l’argent à ceux qui sont gênés pour les remboursements.

— Sans usure ?…

— Oh ! Monsieur, la semaine passée j’ai eu deux rendez-vous au boulevard, pour ce mot que vous venez de prononcer.

— Comment !

— Vous allez comprendre : il s’agissait d’un prêt… L’emprunteur me donne en caution des cassonades avec condition que je vendrais si le remboursement n’avait pas lieu à une époque fixe. Je prête mille livres. Il ne me paye pas, je vends les cassonades treize cents livres. Il l’apprend et réclame cent écus. Ma foi, j’ai refusé… prétendant que je pouvais ne les vendre que neuf cents livres. Il m’a dit que je faisais l’usure. Je l’ai prié de me répéter cela derrière le boulevard. C’est un ancien garde, il est venu ; je lui ai passé votre épée au travers de la cuisse gauche.

— Tudieu ! quelle banque tu fais ! dit d’Artagnan.

— Au-dessus de treize pour cent je me bats, répliqua Planchet ; voilà mon caractère.

— Ne prends que douze, dit d’Artagnan, et appelle le reste prime et courtage.