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qu’on vous avait vu aux réceptions du roi Charles, lequel vous parlait comme un ami, ou plutôt comme un obligé.


— C'était en outre un homme de haute taille, aux épaules larges et carrées et portant un chapeau tout couvert de panaches. — Page 198.

— Mais comment diable avez-vous su tout cela ? demanda d’Artagnan, qui craignait que les investigations d’Aramis ne s’étendissent plus loin qu’il ne le voulait.

— Cher d’Artagnan, dit le prélat, mon amitié ressemble un peu à la sollicitude de ce veilleur de nuit que nous avons dans la petite tour du môle, à l’extrémité du quai. Ce brave homme allume tous les soirs une lanterne pour éclairer les barques qui viennent de la mer. Il est caché dans sa guérite, et les pêcheurs ne le voient pas ; mais lui les suit avec intérêt ; il les devine, il les appelle, il les attire dans la voie du port. Je ressemble à ce veilleur ; de temps en temps quelques avis m’arrivent et me rappellent au souvenir de tout ce que j’aimais. Alors je suis les amis d’autrefois sur la mer orageuse du monde, moi, pauvre guetteur auquel Dieu a bien voulu donner l’abri d’une guérite.

— Et, dit d’Artagnan, après l’Angleterre, qu’ai-je fait ?

— Ah ! voilà ! fit Aramis, vous voulez forcer ma vue. Je ne sais plus rien depuis votre retour, d’Artagnan ; mes yeux se sont troublés. J’ai regretté que vous ne pensiez point à moi. J’ai pleuré votre oubli. J’avais tort. Je vous revois, et c’est une fête, une grande fête, je vous le jure… Comment se porte Athos ?

— Très bien, merci.