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D’un geste silencieux mais solennel, M. Coumbes indiqua le chalet voisin, dont on apercevait les tuiles rouges.

Millette soupira ; en rapprochant les circonstances, elle avait compris, elle devinait les motifs de la mauvaise humeur de son maître, les velléités cynégétiques qui lui avaient fait perdre tant d’heures en arrêt devant les oiseaux. Marius, qui n’était point au fait de toutes ces circonstances, considérait M. Coumbes avec une surprise interrogative.

– Oui, reprit M. Coumbes, voilà le secret de ma tristesse ; voilà la cause de mon dégoût de la vie. Tiens, Millette, je ne t’en ai rien avoué, mais, lorsque pour la première fois j’ai vu les ouvriers creuser leur tranchée dans le sable, un secret pressentiment m’a serré le cœur et m’a dit que c’en était fait de mon bonheur ; et cependant je ne pouvais prévoir alors que la rage de mes persécuteurs irait un jour jusqu’à l’insulte.

– On vous a insulté ! s’écria Marius bouillant de colère, on a oublié le respect que l’on devait à votre âge !

L’ex-portefaix ne fut point assez habile pour cacher la sensation agréable que lui causa cette ardeur du fils de Millette à embrasser sa défense ; celle-ci surprit le mouvement de joie qui illumina la physionomie de M. Coumbes ; elle pressentit son projet, et