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lui cette influence fécondatrice d’un soleil printanier sur la nature, elle n’allait pas jusqu’à lui faire oublier le décorum, la solennité des gestes et de langage qui conviennent à un maître vis-à-vis de sa domestique ; et maintes fois, au moment précis où l’effervescence des sens devait lui faire oublier qu’il eût jamais existé entre eux une distance, la dignité de M. Coumbes protestait par quelques paroles graves, par quelques recommandations fortement motivées, sur les soins du ménage, qui devaient rappeler à la jeune femme que jamais, quoi qu’il en semblât, son maître ne se déciderait à voir en elle autre chose qu’une servante.

La passion ne joue pas toujours, dans les rapprochements des deux sexes, un rôle aussi essentiel qu’il le semble. Mille sentiments divers peuvent amener une femme à se donner à un homme. Millette avait cédé à M. Coumbes parce qu’elle éprouvait pour les services qu’il lui avait rendus une gratitude exagérée ; parce que le maître portefaix, honnête, rangé, heureux, arrivant à la fortune avec une fermeté d’idées peu commune, trouvait en elle une admiratrice convaincue. La tête vulgaire du propriétaire du cabanon de Montredon était, à ses yeux, entourée d’une auréole ; elle le considérait comme un demi-dieu, l’écoutait respectueusement, partageait ses engouements et était arrivée, à sa remorque, à trouver