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tour auprès d’elle, coupait le câble et, saisissant les avirons, poussait au large. Alors seulement il permit à Millette de relever le mouchoir dont il lui avait bandé les yeux. Millette profita de la permission et regarda autour d’elle ; elle était bien seule dans le bateau en face de Pierre Manas et perdue avec lui dans cette immensité que doublaient les ténèbres. Le forçat ne disait rien et se courbait sur les rames avec impatience. Millette comprit qu’il avait hâte de s’écarter de la côte, dont, du reste, ils étaient déjà trop éloignés pour que le son de la voix humaine pût dominer le bruit des vagues et parvenir jusqu’au rivage ; du côté du large, elle n’apercevait rien que les feux du phare de Planier, gigantesque étoile brillant et s’éteignant tour à tour sur le rideau noir que formaient le ciel et l’horizon.

Au bout de quelques instants, Pierre Manas rentra ses avirons ; il décoiffa l’antenne autour de laquelle la voile était enroulée et en livra la toile à la brise ; mais le vent était au sud-est, et cette direction fut loin d’accélérer leur marche. Ce n’était qu’en tirant des bordées que l’embarcation pouvait s’approcher de Montredon, sur lequel le forçat avait mis le cap. Il perdit ainsi deux bonnes heures à louvoyer, et, lorsque l’embarcation se trouva à la hauteur du Prado, il ferla la voile et borda de nouveau les avirons.